Bonjour !

Ermite, ce n'est pas une posture, c'est un mode de vie.
Disons que je vis seul et différemment, à savoir que je n'ai pas la télé, je ne fréquente pas les réseaux sociaux, je bouquine, je suis cinéphile et très sélectif dans le choix de mes relations.
Urbain, en quelque sorte, car j'ai vécu dans de grandes villes et à présent das une petite, qui offre moins de possibilités de rencontres.

Bonjour Ermiteurbain :-)

Être très sélectif dans ses relations, c'est justement notre problème, nous qui nous plaignons d'être trop seuls.
Moi aussi, je m'estime très sélective avec les "autres", et pourquoi le suis-je? Parce que j'ai souvent été blessée dans mes relations et que je ne veux plus prendre de risques, je n'ai plus confiance en l'autre et je pratique l'évitement...... qui m'a menée à cette solitude que j'apprécie à ses moments et dont j'en souffre beaucoup  en d'autres. 
Je travaille encore (j'ai 68 ans et suis formatrice en langue), ce qui me sauve d'être complètement isolée mais en dehors de mes apprenants, je n'ai aucun contact social, c-à-d que mes we sont en solitude, mes vacances aussi ( except quelques semaines dans l'année avec mes deux enfants qui vivent à l'étranger). 
Je ne sais plus ce que signifie partager avec l'autre un moment, une idée, une conversation, un projet, une sortie..... et j'en souffre mais comme je suis - trop - sélective , je persiste et m'enfonce dans cette solitude pénalisante.
Je suis heureusement en forme physiquement et pratique la marche nordique, la marche rapide, je me suis mise au golf dernièrement , tous des sports de plein air car j'adore la nature, la sensation de liberté qu'elle me procure mais aussi celle d'être encore vivante.
Le fait est que je ne sais plus avoir confiance en l'autre et n'ai personne à qui en parler. J'ai bien essayé d'en parler avec des psys mais aucun n'a su me donner d'autres conseils/idées que les classiques que nous connaissons tous , nous les trop solitaires, c-à-d, le bénévolat ou s'inscrire dans une activité sportive ou autre, dans un groupe, en fait. 
Mais je travaille toute la semaine et ne veux pas avoir d'autres obligations d'horaires en dehors de celles de mon travail. 
De plus, j'avais déjà essayé de m'inscrire dans des groupes (sport et poterie) mais mon manque de confiance en l'autre m'a accompagnée, alors....j'ai abandonné et continue avec les activités sportives en solitaire, aux jours et horaires que je choisis, sans contrainte d’horaires. 
Lorsque je suis en contact avec l’autre - comme au golf par exemple- je suis très aimable, j’aime plaisanter, rire, etc et je ne m’en prive pas,  mais je m’arrange toujours pour rester dans mon espace sécurisé et ne laisse personne y entrer. 
Je sais que je dois sortir de ma zone de sécurité et accepter l’éventualité d’être de nouveau déçue/blessée si je veux sortir de ce cercle infernal mais c’est plus facile à dire qu’à faire …. la preuve? J’en suis encore là aujourd’hui et je me suis inscrite sur ce site en 2013! :-(
Bon dimanche à tous malgré tout :-)
Claudia

Bonsoir Claudia,
J'ai eu des déceptions aussi, contrebalancées par un entourage amical sur qui je sais pouvoir compter. Mais chacun a sa vie, ses soucis, on ne se voit pas tout le temps.

Par déceptions, j'entends de ces relations que la novlangue en vigueur qualifie de "toxiques", qui s'accrochent tant qu'elles croient qu'il y a quelque chose à gratter, qui s'éloignent lorsqu'elles voient que ce n'est pas le cas, non sans laisser quelques miasmes de l'ordre de commérages, rumeurs de palier, victimisations gratuites.
C'est d'autant plus dur que j'avais eu la naïveté de croire en ces relations (c'est particulièrement le cas de ma dernière compagne mais je n'en parlerai pas plus, elle n'est pas là pour se défendre).

Vous dites pratiquer l'évitement, suite à ces mauvaises expériences. Mais vous avez tout de même fait la démarche de rejoindre certains groupes, tout en restant, précisez-vous en substance, sur votre quant-à-soi.

Démarche que j'ai dépassée, n'y ayant pas trouvé ce que j'y recherchais. J'avais rejoint un groupe de rando où je faisais un peu figure de "mouton noir" (célibataire, pas d'enfants, pas proprio, les autres étant des "retraités" pur esprit!), de même que j'avais pris part et même organisé des balades sur OVS. Au final, il ne se passait rien hors des activités, les randos cessaient les week-ends, les vacances scolaires, les fériés, tout l'été, et ceci ajouté au manque de compatibilités, je ne me liais avec personne.

L'associatif, on me l'a conseillé mais ce n'est clairement pas mon trip. Déjà j'ai du mal avec les groupes, dès que c'est structuré et qu'il y a des histoire de hiérarchie, de planification, je passe à autre chose.

J'étais déjà solitaire étant gamin, j'en déduis que c'est ma nature. Je jouais seul, je lisais, j'écrivais, dessinais. Mais j'avais besoin de trouver à m'épancher et ce besoin est resté.

Doit-on/faut-il accepter d'être à nouveau et encore déçu.e, trahi.e, blessé.e ?
Il y a très certainement des personnes dans votre vie qui ne vous ont jamais déçue ni trahie ni blessée, Claudia. C'est vers ces figures qu'il faut se tourner, pour se dire qu'il n'y a pas de fatalité.

Harmonie

Bonjour Harmonie,

Solitude zone de confort... et d'inconfort, je dirais, salutaire, dans la mesure où cet état nous amène à nous questionner quant au mal-être qui en résulte, questionnement qui se fait quête, lorsqu'il est enfin question de trouver des solutions.

Il y a ce repli sur soi consécutif à une blessure, des déceptions, évoqué hier avec Claudia. On est échaudé. On est dans la position du rescapé de la noyade qui a du mal à se jeter à nouveau à l'eau. On trempe les orteils. L'onde nous apparaît toujours menaçante. Alors on les retire bien vite. Mais on a déjà fait cette démarche de tremper les orteils et comme on a assez de vécu pour se souvenir qu'il n'y a pas de fatalités, on trempe la fois suivante le pied, puis la cheville.
Actuellement, j'en suis à la cheville. Etant un excellent nageur, je sais qu'il n'y a pas de fatalités, il y a juste des moments où l'eau est trop froide, trop chaude, où l'onde est trompeuse. Ainsi est l'existence. Il y a des moments où on va attirer à soi certaines personnes dont, après coup, on se dit qu'on aurait mieux fait de les laisser où elles étaient. L'eau est alors saumâtre, bourbeuse, c'est la mauvaise eau où des tessons de verre affleurent dans la vase.
Il y en a d'autres où les rencontres nous tireront vers le haut, nous changeront la vie. L'eau est alors douce et tiède, transparente.
Les mauvaises rencontres tiennent à mon sens à des besoins mal cernés, à une forme de détresse affective, à un ennui accablant et réitéré qui donne envie de s'en remettre au premier venu, pourvu que ça cesse, qu'il se passe enfin quelque chose. Enfin bon, je ne veux pas faire de généralités, c'est là mon expérience.
Quand on va bien, c'est là que les rencontres se font positives.  

La solitude bien vécue est choisie et elle est, là encore, affaire d'instants. C'est qu'elle répond à un besoin ponctuel. Non choisie, endurée, elle se révèle à la longue pathogène.
Il y a aussi une question d'environnement, auquel on ne s'identifie pas. Aujourd'hui, de plus en plus de gens sont déracinés, forcés de vivre là où ils n'ont rien à faire, parce qu'ils ont dû quitter la ville, la région où ils ne trouvaient plus à se loger selon leurs moyens, ou du fait d'une mutation malencontreuse, ou irréfléchie. Eloignés des leurs, coincés dans des localités enclavées, comme exilés. Et là il est parfois malaisé de trouver à qui parler parce qu'on se heurte à des mentalités parfois hostiles, parce que les règles sont posées d'une sociabilité de clans, essentiellement familiale, où l'on est vu comme "une pièce rapportée".

J'ai croisé là où je vis des personnes pressées de partir, lassées d'années de solitude, malgré une parfaite intégration professionnelle. La vie sociale ne suivait pas. Elle en restait à des semblants, voire à des faux-semblants. J'ai assez bourlingué pour savoir qu'il est des régions plus faciles à vivre, humainement, que d'autres. Cet élément est à prendre en compte.

Voyez, je vais assister à des concerts, quand il y en a, accompagné de ma meilleure amie, qui se trouve dans mon cas. On essaie de discuter avec des gens, ça en reste à des généralités polies et chacun rentre chez soi. Les quelques velléités que j'ai eues de me joindre à des groupes (rando), se sont soldées par l'évidence qu'hors des activités, les gens ne se voient pas, sauf lorsqu'ils se connaissent de longue date. Il n'est pas de place pour l'homme seul, la femme seule qui de surcroît "n'est pas d'ici" et ne présente pas les marqueurs sociaux susceptibles de faciliter une intégration (ah, vous êtes célibataire ? ah, vous n'avez pas d'enfants ? Ah bon, vous êtes locataire ?). Et en plus, je précise, Harmonie, je ne suis pas xénophobe ni raciste et je ne juge pas malséant le port du voile (libertaire un jour, libertaire toujours!) et croyez-moi qu'en Paca, c'est plutôt mal vu, particulièrement des gens de ma génération.

C'est là que je reviens à Léo, cité plus haut : "Tout seul peut-être, mais peinard".
Ouais, mais lui était de ces solitaires "qui s'arrangent pour n'être jamais seuls".

Donc, ce n'est pas facile d'aller vers les autres, surtout quand du fait de la vie qu'on a menée, et des choix que l'on a faits, on est vu comme décalé.
Mais cela autorise le dialogue, qui est déjà une connexion. A chacun de veiller à ne pas se contenter de cette étape.

Bonne soirée, Harmonie

ErmiteUrbain,

Merci pour votre réponse si profonde . Vos mots résonnent avec une vérité indéniable, capturant avec une précision remarquable les défis auxquels font face ceux qui se retrouvent déracinés de leur foyer, contraints de vivre dans des endroits où ils ne se sentent pas chez eux.

Votre description de la solitude des personnes déracinées est d'une justesse remarquable, mettant en lumière les difficultés émotionnelles et sociales auxquelles elles sont confrontées.
La sensation d'être "une pièce rapportée" dans un environnement où les liens sociaux sont déjà établis peut être incroyablement isolante et déroutante.  

Votre récit résonne parfaitement avec mon propre vécu en tant que personne déracinée à plusieurs reprises. Comme vous l'avez si bien dit, cette expérience peut être extrêmement difficile.

Dans les moments les plus sombres, il y a toujours une lueur d'espoir à saisir. Il n’y a pas de fatalité, je suis d’accord. Et c’est ce que j'aimerais retenir.

Re, Harmonie,

Attention tout de même aux moments sombres, prenons garde à qu'ils ne nous guident pas vers de mauvaises passes, car c'est à ces moments-là qu'on est vulnérable.
Un trop long temps de solitude peut nous rendre crédule, dépendant, c'est ainsi que je me suis précipité dans une relation où j'ai laissé quelques plumes, envoûté un beau matin par un sourire enjôleur qui, les mois passant, s'est figé dans des successions de mensonges et des litanies de sarcasmes. J'avais compris assez tôt qu'il me fallait prendre mes jambes à mon cou, mais je suis resté avec cette dame, de peur de retrouver "ma petite vie de célibataire". Et à l'heure qu'il est, malgré que j'en aie ch...é, et contracté de sévères insomnies, cette dame me manque non en tant que personne, mais c'est ce qui constituait la relation qui me manque, l'idée, même si elle était illusoire, de compter pour quelqu'un, de vivre dans l'esprit de quelqu'un, et de croire avoir rencontré quelqu'un qui donnait du sens à ma vie. Même si c'était aussi surjoué dans ma petite tête que dans ce que nous partagions, dont je n'étais pas dupe, dont je voulais seulement être dupe, juste un peu car alors, il se passait quelque chose.

Et là j'aborde un aspect quelque peu métaphysique de la solitude, qui est le rapport au temps, faussé par les projections négatives de l'esseulé.e. On connaît tous ces dimanches, ces fériés dépourvus de sens, ces étés qui paraissent interminables avec leurs journées qui s'étirent en vain, quand résonnent au loin les échos de la fête dont on ne se sent pas concerné. Quant ce que vivent "les autres" nous paraît abstrait, et que les après-midis de congé, les week-ends, tiennent de l'expiation.
Chaque minute pèse son poids de plomb. On guette les aiguilles de l'horloge, on vérifie que le téléphone fonctionne bien. Quoi que l'on fasse, il est toujours trop tôt. On vit dans une espèce de monde parallèle voisin de celui des grands mélancoliques.

Et là, gaffe ! Aucun médoc, aucun réseau social virtuel, aucun alcool, aucun stup n'accélèrera le cours du temps et apportera la lumière propre à dissoudre cette obscurité.

Qu'est-ce qu'il faut faire ?

La question, je la pose. Parce que je n'ai pas de réponses toutes faites. A chacun de trouver la sienne.

Bonsoir, Harmonie